Bifton sur les talbins

Bien en rang dans la file d’attente pour le passage en caisse, j’ai l’impatience troublée par un sentiment d’acte manqué. Je suis en train d’oublier quelque chose, mais quoi ? Le responsable de rayon a bien fait son boulot, l’ « Homme Préhistorique » était en bonne place, et l’encre du code barre imprimée sur « Les Faux Talbins » n’était pas encore sèche. Le propre d’un trou de mémoire étant de ne pas se souvenir, je me résigne à faire valider en l’état mes emplettes du jour à la jeune caissière en quête de code postal. Réponse faite, je file avec mon petit bagage en plastique, puis l’ampoule s’allume. Demi-tour aussi sec, direction le bac à Blues. Et me retrouve pour la seconde fois devant la caissière qui a déjà tout oublié –elle aussi- de mon 06.

C’est pourtant ce repêché de dernière minute que j’insère en premier dans le lecteur mobile.
Et là mes amis, quelle claque ! J’avais pourtant essuyé un avertissement sans frais en juillet dernier lors du festival de guitare de Beaulieu. Calvin Russell m’avait alors rappelé que le blues rock venait d’un autre continent. Deux grosses heures de mur du son, accompagné par une paire de lascars armés de Gibsons et d’une rythmique basse batterie solide comme le roc du Texas. Le clou du spectacle avec « I fought the law » hors dimension. Merci Calvin, j’ai grâce à toi l’illusion d’avoir vu les Clash sur scène. Ce « Dawg Eat Dawg » n’en est que la trace écrite.
Le texan, au repos complet après une « lourde opération » a été contraint d’annuler la seconde partie de sa tournée en France. Partie remise dixit source officielle, je suis de ceux qui guettent son retour.

Après trois écoutes consécutives, je me décide à examiner au plus près ces « Faux Talbins », encore en sursis sur un coin de ma table basse sous laquelle Zatopek le chat somnole paisiblement. Pour être franc et honnête –à défaut d’avoir de la mémoire- je ne sais encore rien de ce quatrième album de Sanseverino, si ce n’est la chanson titre jouée sur la dernière tournée.
Surpris par l’entame à la batterie -je me souviens avoir entendu Mr Swing déclarer ici ou là son inutilité publique- je me laisse entraîner par cet obstiné ternaire qui n’est pas sans me rappeler Arno, fils de yeux de sa mère et ami des filles du bord de mer. Virage artistique ? Je reste sur mes gardes, à l’affût du moindre trait de guitare manouche. Quand la seconde piste entraîne mon pied gauche dans un battement frénétique. Faites pas les marioles, vous vous laisserez surprendre aussi. Roulement de batterie (c’est bon, on a compris) pour sonner l’ouverture du troisième round, un brin plus familier à la culture maison me dis-je. Attention, planquez femmes et enfants, verrouillez portes et fenêtres, un fou dangereux débarque par chez vous et frappera sans réfléchir. La cadence ne faiblit pas au contraire. Quelques envolées de notes et l’harmonie générale me rappellent l’adage qui veut que chassez le naturel, il revient… au galop, au sens propre.
Oui m’sieurs dames, la chevauchée continue vers l’Ouest, résolument, à grand renfort de calembours (Finis ta vaisselle), en signe de révérence (La reine du périphérique) ou en revisite de la source (A boy named Sue) jusqu’à ce beat sudiste (Les rockers aiment la java) ponctué par un final digne des Wampas.
« Tu n’en as plus rien à foutre de moi » en trait d’union. Très d’oignon, car la vérité me revient en pleine figure, je me laisse choir près du chat, sur le tabouret, dépité par un constat factuel sans appel : ce gang qui vient de m’emporter loin vers les plaines désertiques oubliées où les buissons d’épines balayées par le vent traversent des pistes poussiéreuses au bord desquelles gisent de vieilles carcasses défoncées de Cadillac rongées par la rouille (vous pouvez respirer), ces mercenaires qui viennent de commettre le hold-up du siècle en emportant blues, country, rockabilly, bluegrass et toute l’essence du Sud sur leur passage, ce gang est pourtant le meilleur ambassadeur de la musique manouche, nous laissant sans le vouloir au bord d’un trou sans fond : qui va finir le boulot à leur place ??? Pas le temps de m’épandre davantage dans de profondes réflexions qu’une lame de fond me soulève par derrière, faisant voler mon siège en bois sur le chat qui décampe sans demander son reste. « Oui, oui, oui, je suis la sorcière… ». Nom d’un chien –serbe ou autre- quelle mouche les pique ? Cette déclinaison de la « Salsa du Démon » en guise d’appel au pogo m’incite définitivement à ne pas embarquer les enfants dans la fosse du prochain concert. Dans l’élan, « Tu pues Benny » augure d’une atmosphère de sueur bien grasse. C’est fort, mais pourtant quand ils jouent ce jeu là, j’les aimerais jusqu’à la fin d’leur vie moi aussi. Puis vient la complainte du « Grand Gregory », les zygomatiques au repos à la lecture de ce constat d’échec social.
Les apparences sont parfois trompeuses, et les airs jazzy de « Riton & Rita » -euh, je veux parler des couplets- ne dissimulent qu’un temps les prémisses d’une secousse sismique imminente.
Un, deux, et un deux trois quatre. Nous revoilà tournés vers l’Est, mais fi des lignes tziganes acoustiques dénudées, on sort les rangers et casques à pointes pour une marche en avant toute, rangs serrés, direct au front, tous les coups sont permis, et pas de quartier « Chérie, c’est la guerre ». Et l’on courbe l’échine sous les coups de boutoir des riffs tueurs de ce Rock in the Balkan. En plein épicentre, on ne rigole plus du tout, si ce n’est d’un finish en tire-bouchon qui ne chatouille que les oreilles des enfants car le chat est aller demander asile chez les voisins.
Là, comme ça maintenant, je pourrais citer Ludwig ou les Bérus, aux grandes heures, mais ça n’engage que moi.
Après ça, on n’avait pas d’autre solution que de redescendre, par paliers. Avec un bon vieux bad blues d’abord « La valse de celui du livre » (encore là, mais au banjo, inspecteur ?) puis les vieux démons reviennent, dans les bras de « La femme du marin » puisqu’il n’y a plus personne, enfin presque, mais on se laisse faire, aux amarres ou plus au large.
On se laisserait presque bercer par ce « Dimanche Dernier », ballade irlandaise (euh…non ?) au banjo s’il n’était question d’un cruel déchirement conjugal. Mais la porte de l’antre ne se refermera pas sur une note positive, c’était écrit. « Je t’aime pas », nous hurle t-il dans les oreilles. Du mal, du mal, du mal, exactement tout le contraire de l’inverse du négatif de ce que j’éprouve à l’écoute de ce vrai faux talbin pas encore sec, loin de là.

Voilà, ça fait du bien.

André

Juste analyse bravo!

Pas mieux

André, t'as tout compris... Tu as trouvé les mots juste!!!

Bravo bravo, tu as magnifiquement raconté ton ressenti à l'écoute des faux talbins!!!!

Incroyable et merci

Nicole et André a écrit:

Bien en rang dans la file d’attente pour le passage en caisse, j’ai l’impatience troublée par un sentiment d’acte manqué. Je suis en train d’oublier quelque chose, mais quoi ? Le responsable de rayon a bien fait son boulot, l’ « Homme Préhistorique » était en bonne place, et l’encre du code barre imprimée sur « Les Faux Talbins » n’était pas encore sèche. Le propre d’un trou de mémoire étant de ne pas se souvenir, je me résigne à faire valider en l’état mes emplettes du jour à la jeune caissière en quête de code postal. Réponse faite, je file avec mon petit bagage en plastique, puis l’ampoule s’allume. Demi-tour aussi sec, direction le bac à Blues. Et me retrouve pour la seconde fois devant la caissière qui a déjà tout oublié –elle aussi- de mon 06.

C’est pourtant ce repêché de dernière minute que j’insère en premier dans le lecteur mobile.
Et là mes amis, quelle claque ! J’avais pourtant essuyé un avertissement sans frais en juillet dernier lors du festival de guitare de Beaulieu. Calvin Russell m’avait alors rappelé que le blues rock venait d’un autre continent. Deux grosses heures de mur du son, accompagné par une paire de lascars armés de Gibsons et d’une rythmique basse batterie solide comme le roc du Texas. Le clou du spectacle avec « I fought the law » hors dimension. Merci Calvin, j’ai grâce à toi l’illusion d’avoir vu les Clash sur scène. Ce « Dawg Eat Dawg » n’en est que la trace écrite.
Le texan, au repos complet après une « lourde opération » a été contraint d’annuler la seconde partie de sa tournée en France. Partie remise dixit source officielle, je suis de ceux qui guettent son retour.

Après trois écoutes consécutives, je me décide à examiner au plus près ces « Faux Talbins », encore en sursis sur un coin de ma table basse sous laquelle Zatopek le chat somnole paisiblement. Pour être franc et honnête –à défaut d’avoir de la mémoire- je ne sais encore rien de ce quatrième album de Sanseverino, si ce n’est la chanson titre jouée sur la dernière tournée.
Surpris par l’entame à la batterie -je me souviens avoir entendu Mr Swing déclarer ici ou là son inutilité publique- je me laisse entraîner par cet obstiné ternaire qui n’est pas sans me rappeler Arno, fils de yeux de sa mère et ami des filles du bord de mer. Virage artistique ? Je reste sur mes gardes, à l’affût du moindre trait de guitare manouche. Quand la seconde piste entraîne mon pied gauche dans un battement frénétique. Faites pas les marioles, vous vous laisserez surprendre aussi. Roulement de batterie (c’est bon, on a compris) pour sonner l’ouverture du troisième round, un brin plus familier à la culture maison me dis-je. Attention, planquez femmes et enfants, verrouillez portes et fenêtres, un fou dangereux débarque par chez vous et frappera sans réfléchir. La cadence ne faiblit pas au contraire. Quelques envolées de notes et l’harmonie générale me rappellent l’adage qui veut que chassez le naturel, il revient… au galop, au sens propre.
Oui m’sieurs dames, la chevauchée continue vers l’Ouest, résolument, à grand renfort de calembours (Finis ta vaisselle), en signe de révérence (La reine du périphérique) ou en revisite de la source (A boy named Sue) jusqu’à ce beat sudiste (Les rockers aiment la java) ponctué par un final digne des Wampas.
« Tu n’en as plus rien à foutre de moi » en trait d’union. Très d’oignon, car la vérité me revient en pleine figure, je me laisse choir près du chat, sur le tabouret, dépité par un constat factuel sans appel : ce gang qui vient de m’emporter loin vers les plaines désertiques oubliées où les buissons d’épines balayées par le vent traversent des pistes poussiéreuses au bord desquelles gisent de vieilles carcasses défoncées de Cadillac rongées par la rouille (vous pouvez respirer), ces mercenaires qui viennent de commettre le hold-up du siècle en emportant blues, country, rockabilly, bluegrass et toute l’essence du Sud sur leur passage, ce gang est pourtant le meilleur ambassadeur de la musique manouche, nous laissant sans le vouloir au bord d’un trou sans fond : qui va finir le boulot à leur place ??? Pas le temps de m’épandre davantage dans de profondes réflexions qu’une lame de fond me soulève par derrière, faisant voler mon siège en bois sur le chat qui décampe sans demander son reste. « Oui, oui, oui, je suis la sorcière… ». Nom d’un chien –serbe ou autre- quelle mouche les pique ? Cette déclinaison de la « Salsa du Démon » en guise d’appel au pogo m’incite définitivement à ne pas embarquer les enfants dans la fosse du prochain concert. Dans l’élan, « Tu pues Benny » augure d’une atmosphère de sueur bien grasse. C’est fort, mais pourtant quand ils jouent ce jeu là, j’les aimerais jusqu’à la fin d’leur vie moi aussi. Puis vient la complainte du « Grand Gregory », les zygomatiques au repos à la lecture de ce constat d’échec social.
Les apparences sont parfois trompeuses, et les airs jazzy de « Riton & Rita » -euh, je veux parler des couplets- ne dissimulent qu’un temps les prémisses d’une secousse sismique imminente.
Un, deux, et un deux trois quatre. Nous revoilà tournés vers l’Est, mais fi des lignes tziganes acoustiques dénudées, on sort les rangers et casques à pointes pour une marche en avant toute, rangs serrés, direct au front, tous les coups sont permis, et pas de quartier « Chérie, c’est la guerre ». Et l’on courbe l’échine sous les coups de boutoir des riffs tueurs de ce Rock in the Balkan. En plein épicentre, on ne rigole plus du tout, si ce n’est d’un finish en tire-bouchon qui ne chatouille que les oreilles des enfants car le chat est aller demander asile chez les voisins.
Là, comme ça maintenant, je pourrais citer Ludwig ou les Bérus, aux grandes heures, mais ça n’engage que moi.
Après ça, on n’avait pas d’autre solution que de redescendre, par paliers. Avec un bon vieux bad blues d’abord « La valse de celui du livre » (encore là, mais au banjo, inspecteur ?) puis les vieux démons reviennent, dans les bras de « La femme du marin » puisqu’il n’y a plus personne, enfin presque, mais on se laisse faire, aux amarres ou plus au large.
On se laisserait presque bercer par ce « Dimanche Dernier », ballade irlandaise (euh…non ?) au banjo s’il n’était question d’un cruel déchirement conjugal. Mais la porte de l’antre ne se refermera pas sur une note positive, c’était écrit. « Je t’aime pas », nous hurle t-il dans les oreilles. Du mal, du mal, du mal, exactement tout le contraire de l’inverse du négatif de ce que j’éprouve à l’écoute de ce vrai faux talbin pas encore sec, loin de là.

Voilà, ça fait du bien.

André

trés hônnetement, moi : mais je dois plus savoir lire ... ou je suis la conne qui flane ... mais sûre que ça devait êtt' bien

Nicole et André a écrit:

Bien en rang dans la file d’attente pour le passage en caisse, j’ai l’impatience troublée par un sentiment d’acte manqué. Je suis en train d’oublier quelque chose, mais quoi ? Le responsable de rayon a bien fait son boulot, l’ « Homme Préhistorique » était en bonne place, ...
André

Belle analyse, comblé que je suis par la présence d'un amateur de vintrignerie pur jus.
Bravo les deux pour tant de bon gout et tant d'emphase

Vive florent vintrignier et vive la rue ketanou.
Au passage je trouvais que l'album de Steph avait des points communs avec celui de la rue ket et de florent, en ce sens que je trouve le son "naturel" sans trop de fioriture. Chose qui me semble devenir rare sur des artistes "confirmés".

Et le chat? Il est revenu ou bien ?

quelle plume dd...je suis 100 voix..

stef

Le senegaulois a écrit:

Nicole et André a écrit:

Bien en rang dans la file d’attente pour le passage en caisse, j’ai l’impatience troublée par un sentiment d’acte manqué. Je suis en train d’oublier quelque chose, mais quoi ? Le responsable de rayon a bien fait son boulot, l’ « Homme Préhistorique » était en bonne place, ...
André

Belle analyse, comblé que je suis par la présence d'un amateur de vintrignerie pur jus.
Bravo les deux pour tant de bon gout et tant d'emphase

Vive florent vintrignier et vive la rue ketanou.
Au passage je trouvais que l'album de Steph avait des points communs avec celui de la rue ket et de florent, en ce sens que je trouve le son "naturel" sans trop de fioriture. Chose qui me semble devenir rare sur des artistes "confirmés".

+1 pour Florent et la Rue Ket

Belle analyse de la galette ...

C'est EXACTEMENT ce que j'aurai voulu dire si j'avais su le dire aussi bien.

çà rattrape les conneries que l'on a pu lire sur deezer

Merci les gens pour vos gentillesses, ça ne me fait pas ça à chaque fois.
Elmo, Eric, Sylviane, Christoche, tout le plaisir est pour moi, je recommencerais volontiers à la sortie du prochain Bashung.
Le Senegaulois, Gonzesse, oui oui oui je suis à l’affût des –apparentes- errances de Florent, Mourad et Olive.
Emma, laisse moi t’expliquer : on l’appelle Zatopek (Zato pour les intimes) à cause des Mamouths (les pétards, pas ceux de la pochette à Lazare) qu’on faisait exploser pour éloigner les étourneaux peu après sa naissance (celle de Zato, pas du mamouth) lors de la migration d’automne. Parce que bon, on a beau être très pacifiques et tolérants Nicole et moi, y’a des limites à tout, on va pas se laisser piller les olives par des oisillons de merde sans moufter, manquerait plus qu’à mettre de la crème fraiche dans la soupe de poireaux…patates !!!
Eliboubann, et bien justement, il revient à chaque fois, mais au simple petit craquement de pierre à briquet, pfuiiiiit… tout le monde aux abris (contrairement aux apparences, on ne fume pas mais un rien nous amuse).
Stef, merci également du passage, j’ai assez rarement l’occasion d’exprimer directement mon ressenti à ceux qui font la route avec moi dans le kangoo. Alors à demain matin 7h.

André

ahhhhhhhhh, ben ça va tout de suite mieux comme ça ... merci

Nicole et André a écrit:

Bien en rang dans la file d’attente pour le passage en caisse, j’ai l’impatience troublée par un sentiment d’acte manqué. Je suis en train d’oublier quelque chose, mais quoi ? Le responsable de rayon a bien fait son boulot, l’ « Homme Préhistorique » était en bonne place, et l’encre du code barre imprimée sur « Les Faux Talbins » n’était pas encore sèche. Le propre d’un trou de mémoire étant de ne pas se souvenir, je me résigne à faire valider en l’état mes emplettes du jour à la jeune caissière en quête de code postal. Réponse faite, je file avec mon petit bagage en plastique, puis l’ampoule s’allume. Demi-tour aussi sec, direction le bac à Blues. Et me retrouve pour la seconde fois devant la caissière qui a déjà tout oublié –elle aussi- de mon 06.

C’est pourtant ce repêché de dernière minute que j’insère en premier dans le lecteur mobile.
Et là mes amis, quelle claque ! J’avais pourtant essuyé un avertissement sans frais en juillet dernier lors du festival de guitare de Beaulieu. Calvin Russell m’avait alors rappelé que le blues rock venait d’un autre continent. Deux grosses heures de mur du son, accompagné par une paire de lascars armés de Gibsons et d’une rythmique basse batterie solide comme le roc du Texas. Le clou du spectacle avec « I fought the law » hors dimension. Merci Calvin, j’ai grâce à toi l’illusion d’avoir vu les Clash sur scène. Ce « Dawg Eat Dawg » n’en est que la trace écrite.
Le texan, au repos complet après une « lourde opération » a été contraint d’annuler la seconde partie de sa tournée en France. Partie remise dixit source officielle, je suis de ceux qui guettent son retour.

Après trois écoutes consécutives, je me décide à examiner au plus près ces « Faux Talbins », encore en sursis sur un coin de ma table basse sous laquelle Zatopek le chat somnole paisiblement. Pour être franc et honnête –à défaut d’avoir de la mémoire- je ne sais encore rien de ce quatrième album de Sanseverino, si ce n’est la chanson titre jouée sur la dernière tournée.
Surpris par l’entame à la batterie -je me souviens avoir entendu Mr Swing déclarer ici ou là son inutilité publique- je me laisse entraîner par cet obstiné ternaire qui n’est pas sans me rappeler Arno, fils de yeux de sa mère et ami des filles du bord de mer. Virage artistique ? Je reste sur mes gardes, à l’affût du moindre trait de guitare manouche. Quand la seconde piste entraîne mon pied gauche dans un battement frénétique. Faites pas les marioles, vous vous laisserez surprendre aussi. Roulement de batterie (c’est bon, on a compris) pour sonner l’ouverture du troisième round, un brin plus familier à la culture maison me dis-je. Attention, planquez femmes et enfants, verrouillez portes et fenêtres, un fou dangereux débarque par chez vous et frappera sans réfléchir. La cadence ne faiblit pas au contraire. Quelques envolées de notes et l’harmonie générale me rappellent l’adage qui veut que chassez le naturel, il revient… au galop, au sens propre.
Oui m’sieurs dames, la chevauchée continue vers l’Ouest, résolument, à grand renfort de calembours (Finis ta vaisselle), en signe de révérence (La reine du périphérique) ou en revisite de la source (A boy named Sue) jusqu’à ce beat sudiste (Les rockers aiment la java) ponctué par un final digne des Wampas.
« Tu n’en as plus rien à foutre de moi » en trait d’union. Très d’oignon, car la vérité me revient en pleine figure, je me laisse choir près du chat, sur le tabouret, dépité par un constat factuel sans appel : ce gang qui vient de m’emporter loin vers les plaines désertiques oubliées où les buissons d’épines balayées par le vent traversent des pistes poussiéreuses au bord desquelles gisent de vieilles carcasses défoncées de Cadillac rongées par la rouille (vous pouvez respirer), ces mercenaires qui viennent de commettre le hold-up du siècle en emportant blues, country, rockabilly, bluegrass et toute l’essence du Sud sur leur passage, ce gang est pourtant le meilleur ambassadeur de la musique manouche, nous laissant sans le vouloir au bord d’un trou sans fond : qui va finir le boulot à leur place ??? Pas le temps de m’épandre davantage dans de profondes réflexions qu’une lame de fond me soulève par derrière, faisant voler mon siège en bois sur le chat qui décampe sans demander son reste. « Oui, oui, oui, je suis la sorcière… ». Nom d’un chien –serbe ou autre- quelle mouche les pique ? Cette déclinaison de la « Salsa du Démon » en guise d’appel au pogo m’incite définitivement à ne pas embarquer les enfants dans la fosse du prochain concert. Dans l’élan, « Tu pues Benny » augure d’une atmosphère de sueur bien grasse. C’est fort, mais pourtant quand ils jouent ce jeu là, j’les aimerais jusqu’à la fin d’leur vie moi aussi. Puis vient la complainte du « Grand Gregory », les zygomatiques au repos à la lecture de ce constat d’échec social.
Les apparences sont parfois trompeuses, et les airs jazzy de « Riton & Rita » -euh, je veux parler des couplets- ne dissimulent qu’un temps les prémisses d’une secousse sismique imminente.
Un, deux, et un deux trois quatre. Nous revoilà tournés vers l’Est, mais fi des lignes tziganes acoustiques dénudées, on sort les rangers et casques à pointes pour une marche en avant toute, rangs serrés, direct au front, tous les coups sont permis, et pas de quartier « Chérie, c’est la guerre ». Et l’on courbe l’échine sous les coups de boutoir des riffs tueurs de ce Rock in the Balkan. En plein épicentre, on ne rigole plus du tout, si ce n’est d’un finish en tire-bouchon qui ne chatouille que les oreilles des enfants car le chat est aller demander asile chez les voisins.
Là, comme ça maintenant, je pourrais citer Ludwig ou les Bérus, aux grandes heures, mais ça n’engage que moi.
Après ça, on n’avait pas d’autre solution que de redescendre, par paliers. Avec un bon vieux bad blues d’abord « La valse de celui du livre » (encore là, mais au banjo, inspecteur ?) puis les vieux démons reviennent, dans les bras de « La femme du marin » puisqu’il n’y a plus personne, enfin presque, mais on se laisse faire, aux amarres ou plus au large.
On se laisserait presque bercer par ce « Dimanche Dernier », ballade irlandaise (euh…non ?) au banjo s’il n’était question d’un cruel déchirement conjugal. Mais la porte de l’antre ne se refermera pas sur une note positive, c’était écrit. « Je t’aime pas », nous hurle t-il dans les oreilles. Du mal, du mal, du mal, exactement tout le contraire de l’inverse du négatif de ce que j’éprouve à l’écoute de ce vrai faux talbin pas encore sec, loin de là.

Voilà, ça fait du bien.

André

9 lettres pas mieux...

waou respect dédé!! tout est dit!!!!!!!!

Nicole et André a écrit:

Voilà, ça fait du bien.

......de te lire aussi André

franch'ment? terrib'. j'en ai des frissons dans l'dos, le temps n'y est pour rien, juste un peu la pluie. chapeau dd

Rafiana, mamouche, lo, bob, merci à vous, comme j'ai déjà dit plus haut, j'aimerais bien partir dans ce genre de délire à chaque fois que j'achète un album, mais pas moyen, c'est une histoire de pulsion, et puis -sans vouloir fayoter- là, y'a matière.

André

quel plume andré !

Trés beau billet Dédé , belle






Mais c'est quoi ce gros Hors Sujet ?

Nicole et André a écrit:

Là, comme ça maintenant, je pourrais citer Ludwig ou les Bérus, aux grandes heures, mais ça n’engage que moi.

T'as pas pu t'en empecher ?
T'es vraiment keupon indécrottable toi !
Halala , t'as pas changé en un quart de siècle







I'LL BE BACK !

alors là DD.... un peu

mais beaucoup

ouuuuuh ! ça sent le règlement de compte, tout ça !!!

Ben oui, on a tous eu notre période keupon !! si on mettait tous une photo avant après, je vous dis pas les dégats, enfin, j'parle pour moi !!

Quoi que là ! le Dédé, il s'est fait lacéré et pas qu'un peu !

on appelle ça rentrer le loup dans la bergerie, ça m'apprendra à trop parler. Je me rappelle bien ce soir là, on s'était mis sur notre 31 pour aller au concert de PIL... annulé, alors on est allés se consoler devant un camion à hot dog. Un type sapé comme Springsteen dans le clip "Dancing in the dark" (chemise ouverte sur un torse gras velu, jean-baskets et ceinture étoilée, et balancé comme un maçon) nous a dévisagé avant de te cracher un vénéneux "t'es punk, toi ?" "Non, on est des babas cool, ça se voit pas ?" J'ai bien cru qu'il allait se faire une seance de street fighting gratos mais comme on avait l'air un brin allumés sous nos déguisements...
Au fait, j'y pense, quand on regarde la photo de près, la main sur mon épaule, c'est quand même pas celle d'une mystérieuse blonde qui suit Chirac partout ?
Allez, on n'a pas honte, sinon c'est moi qui m'y colle... en pire.

You'll be back, j'espère bien U Tragulinu, parce que où que tu soies, je te retrouverai, jusqu'au bout du monde, et même à Cargèse !!!

DD

Nicole et André a écrit:

Au fait, j'y pense, quand on regarde la photo de près, la main sur mon épaule, c'est quand même pas celle d'une mystérieuse blonde qui suit Chirac partout ?
Allez, on n'a pas honte,

Même pas peur !
Purée , c'est vrai que ça fait 25 ans

christoche a écrit:

le Dédé, il s'est fait lacéré et pas qu'un peu !

Le pire , c'est qu'il s'est lacéré tout seul