Consternation en Italie après la "blague" de Berlusconi sur Obama
LEMONDE.FR | 07.11.08 |
Rome, correspondant
Silvio Berlusconi a mis plusieurs heures à congratuler Barack Obama après son élection, mais il s'est passé à peine plus d'une journée pour qu'il lui adresse sa meilleure "blague". Interrogé par la presse, jeudi 6 novembre, lors d'une visite à Moscou, sur la manière dont le nouveau président américain s'entendrait avec son homologue russe, Dmitri Medvedev, M. Berlusconi a qualifié – avec un grand sourire – le nouveau président américain de "jeune, beau et bronzé".
Le président du Conseil italien, qui a toujours affiché des liens étroits avec George Bush et le camp républicain, a ajouté, un brin dubitatif : "Barack Obama est présenté presque comme un messie. Il y a beaucoup d'attentes qu'il ne doit pas décevoir."
Immédiatement, la sortie du président du Conseil a suscité la consternation et la colère du Parti démocrate (PD, centre-gauche) italien, pour qui la victoire de M. Obama augure de futurs succès. Pour Walter Veltroni, le secrétaire général du PD, les propos de M. Berlusconi "blessent la dignité de l'Italie". "Un homme d'Etat ne peut se permettre continuellement ses blagues de cabaret", a-t-il ajouté. Le numéro deux du parti, Dario Franceschini, a évoqué "une offense dangereusement ambiguë". "Jamais un président du Conseil n'était tombé aussi bas", a renchéri Massimo Donadi, chef des députés du parti Italie des valeurs.
"SENS DE L'HUMOUR"
La droite, au contraire, loue "le sens de l'humour" du président du Conseil. Le ministre Roberto Calderoli (Ligue du Nord), qui a lui aussi par le passé qualifié une journaliste de couleur de "femme bronzée", a parlé d'une "blague". Son collègue Gianfranco Rodonti (Peuple de la liberté) a tenté cette explication : "Les propos de Berlusconi s'expliquent par une théorie psychologique selon laquelle le racisme aurait pour origine l'envie des Blancs pour une couleur plus plaisante."
Averti de la polémique en Italie, M. Berlusconi a expliqué un peu plus tard que ces propos concernant le nouveau président américain étaient un "compliment" : "S'ils n'ont pas le sens de l'humour, a-t-il complété, cela veut dire que les imbéciles sont descendus dans l'arène. Qu'ils aillent se faire…" M. Berlusconi doit rencontrer M. Obama le 15 novembre à Washington, et l'Italie présidera le G8 à partir du 1er janvier. " C'est à ce moment-là qu'on verra quel est l'état de nos relations avec les Etats-Unis", confiait, jeudi, un conseiller du ministre des affaires étrangères italien.
Blague ou pas, la déclaration ambigüe de M. Berlusconi s'ajoute à une liste déjà longue. En juillet 2003, il avait répondu à l'eurodéputé social-démocrate allemand Martin Schultz, qui l'avait asticoté lors d'un débat au Parlement européen : " En Italie, un producteur prépare un film sur les camps de concentration. Je vous recommande pour un rôle de 'kapo'." "De l'ironie", s'était-il justifié plus tard.
Philippe Ridet